La question Rom : vers la création d’une Europe sociale ?
Du Portugal à la Russie, de la Suède à l’Italie, 13 millions de Roms* sont présents dans tous les pays de l’aire européenne, faisant d’eux le peuple le plus « trans-européen » qui soit, et la minorité ethnique la plus importante du continent. Néanmoins, l’actualité récente à leur sujet (les propos de Manuel Valls du mois de septembre, l’affaire Leonarda, le cas de la petite fille bulgare Maria retrouvée en Grèce…) semble être la parfaite illustration d’une sombre réalité: l’Europe sociale n’est encore aujourd’hui qu’à l’étape poussive d’un fragile embryon.
Attirés par une Europe occidentale qui fait office d’Eldorado, ou embrigadés de gré ou de force dans des réseaux de gangs organisés trans-européens, les Roms (majoritairement originaires de Roumanie et de Bulgarie) fuient les répressions et la misère dont ils sont victimes dans leur pays natal. Stigmatisés, marginalisés et bien souvent victimes de préjugés contradictoires et erronés, les Tsiganes, Gitans, Manouches, Gypsys… s’installent dès lors dans des campements de fortune, dans des conditions de vie plus que précaires.
Les Roms sont aujourd’hui devenus un problème pour les pays européens. Pourtant, partout en Europe des solutions émergent : en France, des « villages de la solidarité », octroyant la possibilité aux Roms de s’intégrer à l’espace public, voient le jour ; la Norvège finance la Roumanie pour l’intégration des Roms (10% de l’aide au développement accordée à la Roumanie sont alloués aux Roms) ; les gitans d’Espagne s’intègrent de plus en plus à la société espagnole par le biais d’initiatives sociales à la fois locales et nationales (un État-Providence qui embrasse l’ensemble de la population par exemple) ; la Turquie va mettre en place un « Institut de culture et de langue roms »; et bien d’autres projets qui attestent de la prise de conscience des États face à la problématique Rom.
En réalité, la question Rom nécessite d’être posée à l’échelle européenne et non plus seulement nationale
Mais sur ce point-là, les États ne peuvent faire l’erreur de tomber dans un dangereux travers : se désengager de la question Rom pour la laisser à des instances européennes. Car ce sont avant tout les États qui forment la communauté européenne et aucune décision, aucune avancée déterminante ne pourra être établie sans leur appui indéfectible.
Certes, les efforts nationaux peinent à déboucher sur des améliorations significatives de la condition Rom, mais les abandonner ne ferait qu’empirer les choses. Ces initiatives à l’échelle nationale ne demandent qu’à être encouragées et mises en commun à l’échelle européenne par les États, de façon à poser les bases d’une véritable solution pour l’ensemble des pays de la communauté. De telles politiques européennes sont aujourd’hui à l’étude, mais le manque de communication entre les États acteurs et l’opacité de leurs mises en place les rendent difficiles d’accès pour les populations concernées. L’Europe sociale est donc encore pleinement à construire, mais la question Rom pourrait être en définitive un terreau des plus propices à son élaboration.
* Le terme de « Rom » a été adopté par l’Union romani internationale et par l’Union Européenne pour désigner un ensemble de groupes qui se décrivent eux-mêmes comme Roms, Gitans, Kalés, Tsiganes, Gypsys, Manouches… Ces populations ont émigré d’Inde au XIème siècle vers l’Europe (« rom » vient de « homme » en hindi). Ils seraient aujourd’hui 13 millions en Europe, la moitié vivant dans les pays de l’Union Européenne (Source: Courrier International).